Le Petit Rhinolophe, Rhinolophus hipposideros. Classe des Mammifères, Ordre des Chiroptères, Famille des Rhinolophidés.
Pas de trèfle à quatre feuilles mais un fer à cheval
C'est le plus petit des rhinolophes européens, avec une longueur (tête + corps)
de 37 à 45 mm, pour un poids de 4 à 9 g et une envergure de 192 à 254 mm. Son
pelage, long et lâche, est brun gris-clair (sans nuance roussâtre) sur le dos et
gris ou gris-blanc sur le ventre. Les jeunes sont gris foncé. Les rhinolophes
possèdent, sur la face, une excroissance de peau appelée "feuille nasale",
caractéristique du genre. Elle est composée de quatre parties (du haut vers le bas) :
la lancette, le connectif (repli de peau horizontal sous la lancette), la selle
(avec deux pointes) et le fer à cheval, de forme arrondie, qui leur a valu leur
nom (Rhis, rhino = nez; lophos = crète; hippos = cheval et sideros = fer).
Chez le Petit Rhinolophe, la pointe inférieure de la selle est longue, pointue
et recourbée vers l'avant, à peine dépassée, de profil, par la pointe supérieure,
courte et arrondie.
Pour hiberner, le Petit Rhinolophe se suspend bien en évidence, le corps
presque entièrement enveloppé dans ses ailes. Sa longévité moyenne est de
3 à 7 ans (21 ans pour le plus vieux Petit Rhinolophe bagué).
Chronique d'un déclin constaté ?
Encore courant dans le sud et le sud est de l'Europe, le Petit Rhinolophe est
devenu rare à très rare dans le nord de son aire de distribution.
En effet, dans la seconde moitié du vingtième siècle, cette aire de distribution
a reculé jusqu'à 500 km vers le sud, parallèlement à l'effondrement des populations
dans tout l'ouest et le centre du continent.
Cette régression serait principalement due à un empoisonnement par le DDT ou le
Lindane (traitement des cultures ou des charpentes), à la disparition
des territoires de chasse et des corridors écologiques ou encore à la fermeture
des combles ou des caves.
Pourtant, tout espoir est permis. Depuis le début des années 1990, un arrêt du
déclin est constaté dans beaucoup de pays, là où des noyaux de population ont
subsisté. Dans certains états, on remarque même une lente mais régulière amélioration.
Néanmoins, pour certains, ils ne retrouveront plus les densités d'autrefois.
La France enregistre le même phénomène sur une bonne partie de son territoire, avec,
localement (comme en Loraine), des progressions annuelles de 6,4 à 15%.
L'espèce a disparu de Paris (dernière donnée en 1960, selon l'INPN), mais elle
se maintient autour de la grande couronne. Néanmoins, notre région n'accueille
qu'une seule colonie d'élevage (découverte récemment dans le Val-d'Oise) et ses
populations hivernantes sont très faibles (pas plus d'une soixantaine d'individus).
Le Petit Rhinolophe serait peu commun ou localement commun dans le Val-d'Oise
(principalement dans le Vexin français), et rare ou assez rare dans les Yvelines
et la Seine-et-Marne (Arthur et Lemaire, 2009).
Dans ce dernier département, les résultats partiels des inventaires menés
par circuits routiers de 2006 à 2008 ne révèlent que quatre données, alors qu'en
1944, il occupait 84% des gîtes d'hibernation de ce département (Source : ORGFH).
Statut
Le Petit Rhinolophe est protégé, en Europe, par la Convention de Berne (1979)
relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe
et par la Convention de Bonn (1979 aussi) relative à la conservation des espèces
migratrices appartenant à la faune sauvage. Il figure à l'annexe 2 et 4 de la
"Directive Habitats" européenne de 1992.
Il est protégé en France, par l'article L.411-1 du code de l'environnement et
par l'arrêté du 23 avril 2007.
L'espèce est classée "LC" (préoccupation mineure) sur la liste rouge mondiale,
comme sur la liste rouge nationale.
En Île-de-France, le Petit Rhinolophe est estimé "en danger", et la présence
de colonies de reproduction ou de cavités d'hivernage de l'espèce permet
de classer le site en Zone Naturelle d'Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique
(ZNIEFF).
Ils parlent du nez !
En gîte, l'espèce demeure généralement silencieuse en dehors de la période de
reproduction. En revanche, les colonies de reproduction sont parfois bruyantes
et, lorsque les jeunes sont nés et qu'ils grandissent, on entend parfois de
petits couinements.
En chasse, les cris d'écholocation du Petit Rhinolophe sont lancés par les deux
narines, entourées de la feuille nasale qui sert de pavillon afin de concentrer
et de focaliser l'émission. Leur oreille interne s'est adaptée. Ainsi, contrairement
aux autres mammifères, la bulle tympanique est fixée au crâne par des
couches molles de tissus conjonctifs, de sorte que les transmissions acoustiques
puissent passer par les os.
Les cris d'écholocation sont lancés en fréquence quasi-constante (sauf au début
et à la fin), d'une durée de 25 à 70 ms, sur une fréquence de 106 à 114 khz.
Une harmonique est parfois émise vers 55 khz. Ces cris sont très faibles et
ne portent pas à plus de 5 mètres.
Cris de Petit Rhinolophe ralentis 10 fois. Source : Jean-François Julien
Cliquer pour entendre le cri
Home sweet home
Le Petit Rhinolophe recherche les paysages semi-ouverts, où alternent bocages
et forêts (feuillues ou mixtes, de petites ou grandes dimensions). Il occupe
les plaines chaudes mais aussi la montagne, jusqu'à 2000 m. Ses territoires
de chasse (des zones boisées, si possible anciennes et coupées de cours d'eau)
se situent le plus souvent dans un rayon de 2,5 km autour du gîte. Son domaine
vital ne dépasse donc pas la dizaine d'hectares.
Plutôt sédentaire, il se déplace peu (maximum de 282 km) et les gîtes d'hibernation
et d'élevage ne sont ordinairement séparés que de 5 à 10 km. Il peut même rester
dans le même bâtiment toute l'année, l'exploitant de la cave au grenier selon
la saison, pour peu que celui-ci lui offre des amplitudes thermiques et hygrométriques
suffisantes. Très casanier, certains individus s'accrochent exactement au même
support d'une année sur l'autre. Bien que fidèle à son gîte de reproduction
et d'hibernation, il arrive que le Petit Rhinolophe change de secteur d'une
année sur l'autre, exploitant ainsi tout un réseau de sites locaux.
Le Petit Rhinolophe aime la chaleur. En hiver, on le retrouve généralement dans
les cavités souterraines naturelles ou artificielles (grottes, puits, mines,
galeries, caves, tunnels, carrières souterraines ), et plus rarement dans les
arbres creux.
En Île-de-France (située au nord de son aire de distribution), les gîtes d'élevage
et d'estivage sont situés près de l'homme, souvent dans les combles ou les caves
des bâtiments (châteaux, églises, moulins…).
Le Petit Rhinolophe capture généralement ses proies en vol, avec sa gueule ou
ses ailes, en glanant les insectes posés sur le feuillage. Il pratique l'affût
plus rarement, et a même été observé chassant à pied, sur les pentes d'un toit.
Les phases de chasse (trois en moyenne), alternent avec des phases de repos
d'une à deux heures, dans le gîte ou en dehors.
Très ubiquiste, le Petit Rhinolophe attrape la plupart des insectes volants, de taille
petite à moyenne, qui viennent croiser sa route : diptères (dont les moustiques),
hyménoptères, chrysopes et petits papillons de nuit, ainsi que trichoptères,
petits coléoptères, pucerons et même araignées.
Cycle annuel
La sortie d'hibernation a lieu de mi-mars à avril, en fonction des conditions
climatiques locales.
Tandis que les mâles rejoignent leur gîte d'estivage, les femelles arrivent,
courant avril, sur les colonies de mise bas. Les naissances s'échelonnent ensuite
de la fin de mois de mai à la mi-juillet, avec une portée d'un petit par an.
Naissance d'un petit Petit Rhinolophe. Source de la vidéo : Groupe Chiroptères de Provence
Les jeunes sont alors élevés durant six semaines, jusqu'à leur indépendance.
Les colonies se disloquent de la fin juillet à septembre.
C'est alors le moment des accouplements, jusqu'au mois de novembre. Après la
copulation, la femelle conserve le sperme dans son oviducte et son utérus,
grâce à un bouchon vaginal. Comme pour la Pipistrelle commune, l'ovulation
et la fécondation sont alors différés jusqu'au printemps suivant.
Arrive ensuite le temps de l'hibernation. Progressivement, au fur et à mesure
que la température baisse, les périodes d'activité sont de plus en plus courtes
et les phases de sommeil de plus en plus longues. Lorsque les arbres n'ont
plus de feuilles, la plupart des chauves-souris sont entrées en léthargie.
Leur rythme cardiaque s'est ralenti pour se stabiliser autour de 11 à 25 battements
par minute, avec des apnées pouvant durer jusqu'à 90 mn. La température de
leur corps a chuté pour se rapprocher de celle du milieu ambiant, habituellement
comprise entre 0°C et 10°C. Si la température descend en-dessous de 0°C, les
chauves-souris doivent fournir de l'énergie supplémentaire (prise sur leurs
réserves) pour ne pas mourir gelées. C'est pourquoi, lorsque les conditions
climatiques deviennent trop dangereuses, un signal d'alarme leur permet de
se réveiller pour rejoindre un site thermiquement plus favorable.
- ARTHUR L. et LEMAIRE M. (1999) - Chauves-souris maîtresses de la nuit. Delachaux et Niestlé. 265 p.
- ARTHUR L. et LEMAIRE M. (2009) - Les chauves-souris de France, Belgique, Luxembourg et Suisse. BIOTOPE. Meze (Collection Parthenope) ; Muséum National d'Histoire Naturelle. 544 p.
- BARRET P. (2005) - Guide complet des mammifères de France et d'Europe. Delachaux et Niestlé. 435 p.
- DIETZ Ch., VON HELVERSEN O. Et NILL D. (2009) - L'encyclopédie de chauves-souris d'Europe d'Afrique du Nord. Delachaux et Niestlé. 400 p.
- Fédération des clubs CPN (2003) - Sur les traces des chauves-souris. Cahier technique de la Gazette des terriers n°105. 84p.
- HEINARD R. (1989) - Mammifères sauvages d'Europe. Tome 1 : Insectivores - Chéiroptères - Carnivore. Delachaux et Niestlé. 332 p.
- La Documentation Française (2004) - Cahier habitat Natura 2000. Tome 7 : Espèces animales. Pp 38-41.
Nous tenons à remercier toutes les personnes qui nous ont aidé dans la rédaction
de cet article, et notamment Fred Cloitre, Éric Médard et Thierry Disca pour leurs superbes
clichés ainsi que Rodolphe Liozon et Audrey Pichard, pour les enregistrements
qu'ils ont eu la gentillesse de nous faire parvenir.
Nous tenons aussi à remercier Tanguy Stoecklé (du Groupe Chiroptères de Provence),
qui nous a aimablement autorisé à utiliser la vidéo qui illustre cet article,
Jean-François Julien, pour ses enregistrements et ses précieuses informations,
ainsi que Laurent Arthur, qui a gentiment accepté de répondre à nos questions.
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