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L'Oreillard roux

Plecotus auritus

 

 

On ne soupçonne que très rarement l’immense diversité des chauves-souris. Pourtant, ce sont plus de 1400 espèces de Chiroptères qui déploient leurs ailes à travers le monde une fois la nuit tombée. En France, elles sont 36 espèces différentes à animer nos nuits. Parmi elles, l’Oreillard roux est un habitant peu connu de notre région, et pourtant très présent.

  © oreillard roux

Plecotus auritus © Vita Plaza-Floquet, Faune Alfort

 

Ordre : Chiroptères
Famille : Vespertilionidae
Genre : Plecotus
Espèce : Plecotus auritus

Un peu d’Histoire 

Bien moins contemporaines que nous autres les grands singes, les chauves-souris sillonnaient déjà le globe il y a 55 millions d’années. Les fossiles retrouvés datant de cette époque montrent des espèces certes éteintes, mais présentant toutes les caractéristiques communes à nos chauves-souris actuelles. Bien qu’elles représentent aujourd’hui le second ordre de mammifères le plus richement diversifié (après celui des rongeurs), un nombre important de familles se sont éteintes dans le passé.

Petite chauve-souris et très grandes oreilles 

L’Oreillard roux (ainsi que son cousin l’Oreillard gris) se distinguent très aisément par une caractéristique très proéminente… Vous l’aurez compris il s’agit de leurs oreilles qui ont d’ailleurs donné le nom latin à l’espèce : auritus. Plus longues que la moitié du corps, elles ont la capacité de se courber vers l’arrière en cas de stress, adoptant alors la forme de cornes de bouc. Pas de quoi trembler pour autant car sa taille avoisine les 5 cm de longueur pour un poids compris entre 6 et 14 grammes. C’est lorsqu’il déploie ses ailes qu’il est le plus en mesure d’impressionner avec une envergure pouvant atteindre 30 cm (pour les individus les plus grands).

Il est doté d’un pelage brun roux sur le dos, qui s’éclaircit pour prendre une teinte légèrement jaune sur les flancs, puis blanche grisâtre sur le ventre. Il est morphologiquement très similaire à l’Oreillard gris et bien que l’on arrive à établir quelques critères d’identification, l’unique façon de les différencier avec certitude est de réaliser des mesures sur l’animal (l’Oreillard gris étant en moyenne légèrement plus grand). Parmi ces quelques différences observables, le museau a un aspect cabossé chez l’oreillard roux tandis qu’il est plus allongé chez son cousin gris. On peut également noter que l’Oreillard gris possède un masque sombre généralement absent chez le roux. Mais seuls, ces critères ne peuvent conduire à l’identification formelle d’un individu au rang spécifique.

Des sens hors du commun 
L’écholocation 

Les données paléontologiques à propos des Chiroptères tendent à prouver que l’acquisition du vol s’est produite avant le passage à la vie nocturne et donc l’arrivée de l’écholocation. Ainsi, cette faculté pourrait avoir permis aux chauves-souris de coloniser le monde de la nuit et ses proies tout en éliminant de grands risques de prédation.

L’écholocation est un moyen de se repérer dans l’espace. Il permet donc entre autres d’éviter les obstacles et de repérer les proies. Dans le monde animal, les cétacés, les musaraignes et les tenrecs en sont également dotés. Le fonctionnement est plutôt simple, la chauve-souris émet des ultrasons qui vont naturellement rebondir sur le décor, puis c’est l’analyse de leur réception au niveau des oreilles qui va permettre l’établissement d’une image mentale tridimensionnelle dans le cerveau (à la manière de la vue, qui analyse quant à elle le retour de la lumière sur la rétine).

Chez les oreillards, les sons sont émis par les narines puis évidemment réceptionnés dans les pavillons auditifs. Leur forme permet d’amplifier le son tout en étant protégé des bruits latéraux parasites. De plus, leur grande mobilité permet à l’animal de viser une source sonore choisie.

Les autres sens 

En plus de l’écholocation, les chauves-souris ont une vision adaptée à la vie nocturne et s’en servent donc en complément pour se repérer dans l’espace.

Leur ouïe est naturellement très puissante et couvre un large spectre (les cris sociaux ayant une fréquence plus basse que les ultrasons).

Leur olfaction est elle aussi très performante et utile pour la détection des proies. L’oreillard roux reconnaît d’ailleurs les membres de son groupe en partie grâce à l’odeur et il n’hésitera pas à renoncer à un repas si son odeur lui déplaît.

© oreillard roux

Plecotus auritus © Vita Plaza-Floquet, Faune Alfort

De redoutables prédateurs 

C’est un insectivore qui part en chasse à la tombée de la nuit (15 à 60 minutes après le coucher du soleil). Il se délecte essentiellement de papillons (lépidoptères nocturnes et trichoptères) mais aussi des diptères, araignées et coléoptères et était d’ailleurs le plus reconnu anciennement pour son rôle dans la lutte contre les insectes ravageurs.

Lorsqu’il mobilise tous ses sens et les combine à ses extraordinaires capacités de vol, il devient un prédateur imparable ; et ce malgré les milieux encombrés où il opère (à une forte densité végétale). En effet, il est doté d’une dextérité remarquable et est par exemple capable de réaliser le vol stationnaire à l’image des faucons.

L’oreillard roux est également fin stratège car il emploie un éventail de techniques de chasse sophistiquées. Sa préférée étant la technique dite du glanage, consistant à « glaner » la proie posée sur son support ou au moment où elle décolle en tentant de s’enfuir. Il peut ainsi pratiquer le vol stationnaire au-dessus de sa proie dans l’attente du moment idéal pour frapper (rappelant là encore les faucons).

Discret mais rarement seul…

L’Oreillard roux vit en colonies allant de 5 à 50, voire 100 individus. Ces colonies ne sont pas fixes et la parité n’y est pas de mise ! En effet, les mâles sont peu nombreux, voire parfois absents. Leur nombre augmente avec l’avancement de l’été (jusqu’au moment des accouplements). De manière générale, c’est une espèce relativement discrète et dont les mœurs ne sont pas connues avec certitude.

Il est présent sur la quasi-totalité du territoire métropolitain où il recherche principalement des milieux forestiers, les vallées alluviales mais également des espaces anthropisés tels que les parcs et les jardins. Il est donc assez flexible quant au choix de son milieu. On dit également qu’il s’agit d’une espèce pionnière (une des premières espèces à occuper un milieu et favorisant la venue de nouvelles).

Il partage des parties de son aire de répartition avec deux de ses cousins du genre Plecotus, il s’agit de l’Oreillard gris (dont les aires de répartition se chevauchent en région parisienne) et de l’Oreillard montagnard (Alpes, Pyrénées et Jura). Il arrive d’ailleurs que les Oreillards gris et roux cohabitent au sein des colonies.

© répartition oreillard roux

Répartition actuelle en France métropolitaine de Plecotus auritus : Arthur L., Lemaire M.-2021-Les Chauves-souris de France, Belgique, Luxembourg et Suisse. Editions Biotope, Mèze, Muséum national d’Histoire naturelle, Paris, 3è édition, 592 p.

Une année d’oreillard 
La période estivale et la saison des amours

Une fois sortis d’hibernation, à partir du mois de mars en moyenne, les Oreillards roux regagnent peu à peu leurs gîtes estivaux jusqu’à leur colonisation complète au mois d’avril. Ces gîtes comprennent les cavités arboricoles, les espaces construits (bâtiments en tout genre) et les nichoirs. Au niveau des cavités arboricoles, les Oreillards vont en changer très régulièrement et sont peu difficiles bien qu’ils soient plus densément présents en forêts feuillues que résineuses. Pour ce qui est des espaces construits, l’Oreillard est là encore peu exigeant, il apprécie les espaces calmes tels que des lieux désaffectés ou même des ponts. Il s’accommode également des nichoirs à chauves-souris bien qu’il semblerait préférer ceux des oiseaux.

Les jeunes naissent avec les yeux fermés (et les ouvrent après une petite semaine), ils seront sevrés au bout de 40 à 50 jours et acquièrent leur autonomie pour la chasse à l’âge de 6 semaines, soit entre la mi-juillet et la fin août. La maturité sexuelle arrive rapidement, parfois lors de la première année. La période d’accouplement n’étant pas fixe, il arrive que des couples se reproduisent au printemps ou même pendant l’hiver.

Ils regagneront leurs gîtes hivernaux lorsque les températures deviennent moins favorables, aux alentours du mois de novembre et après avoir constitué les réserves de graisse (dites graisses brunes) suffisantes à la survie pendant l’hiver (où ces graisses brunes serviront de combustible au corps).

La période hivernale

La diversité des gîtes occupés pendant l’hibernation par l’Oreillard roux est assez impressionnante. Ainsi, et de manière générale tout lieu lui offrant une protection thermique suffisante, soit avec une température ambiante comprise entre 2 et 9 degrés (et relativement stable) ainsi qu’une hygrométrie stable là aussi peut lui convenir. Ainsi, on le retrouve dans des endroits assez classiques, tels que des cavités d’arbres, cavités rocheuses, anciennes carrières, greniers ou encore des maisons abandonnées mais aussi dans des lieux très insolites tels que des serrures ou même des tapis enroulés !

En léthargie, l’Oreillard a la particularité de replier ses très longues oreilles sous ses avant-bras, les rendant assez peu visibles pour un œil non aguerri. Seul le tragus dépasse et peut alors porter à confusion (cf. photo). Encore plus étonnant, il garde dans la majorité des cas un de ses deux yeux ouvert au moins légèrement (parfois même les deux !).

Lorsque les chauves-souris hibernent, leur métabolisme est réduit de manière considérable. Ainsi, leur cœur bat entre 10 et 25 fois par minute (contre 1000 en vol), leur consommation d’oxygène est 100 fois moins importante qu’hors hibernation, et elles utilisent en moyenne 137 fois moins d’énergie qu’en période d’activité.

© oreillard roux

Plecotus sp.. en léthargie, Ile-de-France, février 2023 ©Nora Affejee / Azimut230

Statut de conservation et effectifs en Ile-de-France 

L’Oreillard roux est classé [LC] soit « préoccupation mineure » sur la liste rouge de l’UICN. En effet, la vaste répartition de l’espèce (bien qu’en concentration assez faible) et l’absence de déclin avéré ont conduit à ce choix d’échelon. Cependant, il reste assez difficile d’estimer avec certitude la densité, répartition et bonne santé des populations de chiroptères. Pour l’Oreillard gris par exemple, les observations sont plus rares et le choix a donc été porté vers le statut [DD] soit « données insuffisantes ».

Cependant, il est important de rappeler ici la confusion au niveau de l’identification formelle de ces deux espèces entre elles et ne prenons donc pas comme exacts et définitifs ces statuts.

Des animaux menacés par l’anthropisation 

A l’image du reste du monde vivant, les chauves-souris souffrent de l’anthropisation et de nombreuses menaces pèsent sur elles…

D’abord, il s’agit d’un animal nocturne, étant donc adapté à évoluer dans la pénombre ou bien au clair de lune. Cependant, les éclairages massifs de nos espaces urbanisés ne laissent que peu de place à l’obscurité de la nuit ou encore à la lueur des étoiles (qui jouerait un rôle potentiel dans l’orientation des chauves-souris au cours de migrations). De prime abord on pourrait penser que l’éclairage est bénéfique pour les insectivores nocturnes, créant de véritables pièges à proies volantes en tout genre. Cependant, il a été prouvé récemment que toute cette lumière artificielle nuit considérablement aux chauves-souris (en particulier Murins et Oreillards) pour ce qui est de la chasse et des déplacements en général.

Une autre terrible menace qui pèsent sur l’Oreillard ainsi que sur les autres chauves-souris est le fameux chat domestique. En effet, au travers de leurs crocs et griffes dévastateurs, nos boules de poils de compagnie sont devenues l’ennemie numéro un des micromammifères, des oiseaux, mais aussi de reptiles, d’amphibiens, d’arthropodes… Car même s’il n’inflige pas de blessure à priori mortelles à sa « proie », les germes présents dans sa gueule et au bout de ses pattes portent quasi systématiquement le coup de grâce.

Comme pour tous les animaux volants, il existe le risque de collisions avec des structures (qu’elles soient fixes telles que des bâtiments vitrés ou mobiles telles que des véhicules). Il existe aussi un grand risque lié aux rubans adhésifs utilisés pour la lutte contre les mouches dans les granges ou les maisons. Malheureusement, les chauves-souris y sont également sensibles et peuvent mourir de ces pièges.

Plus généralement, et comme le reste de la faune sauvage, les Oreillards souffrent de la fragmentation des espaces, qui les rend bien plus vulnérables aux menaces évoquées précédemment tout en scindant des populations qui en sont alors fragilisées.

Il serait bien difficile d’établir ici la liste complète des menaces qui pèsent sur l’espèce, mais il faut retenir que les activités humaines ont ici encore un impact négatif bien trop important sur l’Oreillard roux.

Le saviez-vous ?

Bien que leur espérance de vie soit estimée autour des 4 ans, un individu de 31 ans a déjà été trouvé ! (Il était d’ailleurs plus âgé que la personne qui l’a découvert !)

Bibliographie
Formation numérique 
  • La biologie et la physiologie des Chiroptères d’Europe proposé par François Schwaab et l’association Païolive
Ouvrage 
  • Arthur L., Lemaire M.-2021-Les Chauves-souris de France, Belgique, Luxembourg et Suisse. Editions Biotope, Mèze, Muséum national d’Histoire naturelle, Paris, 3è édition
Publications
  • Sørås R, Fjelldal MA, Bech C, van der Kooij J, Skåra KH, Eldegard K, Stawski C. State dependence of arousal from torpor in brown long-eared bats (Plecotus auritus). J Comp Physiol B. 2022 Nov;192(6):815-827. doi: 10.1007/s00360-022-01451-8. Epub 2022 Aug 16. PMID: 35972527; PMCID: PMC9550697.
  • Clémentine Azam. Impacts of light pollution on bat spatiotemporal dynamics in France : implications for outdoor lighting planning. Ecology, environment. Museum national d'histoire naturelle - MNHN PARIS, 2016. English.
Sites

Article de Vita Plaza-Floquet